BENJAMIN : HUB, tu nous as fait voyager au Japon, chez les vikings et en ce moment chez les aztèques. Pourquoi tu ne nous fais jamais voyager à Lyon par exemple ?

 

HUB : Déjà je n’ai pas énormément d’œuvres à mon actif. En effet, pour l’instant je n’ai que trois séries. Je suis passionné par l’Histoire. Mes deux premières bandes dessinées Okko et Aslak ne sont pas uniquement historiques. Il y a aussi une touche de fantastique, presque un verni heroic fantasy. Le passé m’intéresse énormément. Ça me permet de créer une distance avec notre monde contemporain. Parfois le passé en dit beaucoup plus sur notre monde que le présent.

 

BENJAMIN : C’est une manière pour toi de fuir la réalité ?

 

HUB : Oui, aussi. J’aime l’invitation au voyage, à la découverte : se confronter à des cultures qui nous semblent parfois différentes, étranges. J’aime comprendre les codes de nouvelles civilisations, créer des parallèles avec notre monde, celui qu’on connaît le mieux.

Dans mes scénarios il y a aussi un autre aspect : le côté non manichéen. Peut-être que sur le Serpent et la Lance on ne le voit pas encore bien, parce que c’est un premier album mais j’aime profondément que le bon et le mal se mélangent, qu’il y ait des ambiguïtés.

 

« Cette fascination pour les choses un peu terrifiantes se ressent peut-être dans mes bandes dessinées »

BENJAMIN : Est-ce que tu peux nous en dire plus sur les bibliothèques et les musées de Lyon qui t'ont inspiré ?

 

HUB : Le musée Guimet m’a beaucoup appris à aimer l’Histoire. C’était un musée d’histoire naturelle installé dans une ancienne patinoire. Il y avait un charme incroyable qui s’en dégageait, on avait l’impression d’être plongé dans une bande dessinée de Tardi par exemple. Moi j’étais attiré par tout ce qui était momie, réduction de tête. J’adorais aussi la collection un peu trash du musée de la Médecine à l’Hôtel Dieu. Ça me fascinait : les tenues des médecins qui intervenaient pendant la peste par exemple.

 

FLORE : Est-ce que tu y allais avec un carnet, et un crayon à la main ?

 

HUB : Non, je ne fais jamais de croquis, même quand je voyage. J’écris mais je ne dessine pas. C’est peut-être bizarre mais je ne le fais jamais. Cette fascination pour les choses un peu terrifiantes se ressent peut-être dans mes bandes dessinées, même si j’aime aussi l’humour.

 

FLORE : On parle de musées disparus mais je crois que les collections du musée Guimet sont toujours visibles à Lyon mais au musée des Confluences. Est-ce que tu y retournes ?

 

HUB : Bien sûr. Je suis allé dans les cabinets de curiosité où j’ai retrouvé certains des objets que j’avais vus dans le temps. Il y a aussi eu de très belles expositions temporaires au musée des Confluences notamment une sur Hugo Pratt qui était très jolie, une exposition sur le poison, une autre sur les Yokai (les fantômes et autres créatures du Japon).

 

BENJAMIN : Dans ta vie tu as aussi vécu à Paris. Est-ce que tu retrouves cette vie intellectuelle et culturelle à Lyon ?

 

HUB : C’est un peu différent, parce que ce n’est pas la capitale. Quand je suis parti de Lyon, j’avais environ 21 ans. Même si je trouvais qu’il se passait des choses sympa à Lyon, pour moi la ville manquait de dynamisme et depuis que je suis revenu je trouve que la ville s’est vraiment bonifiée, transformée de manière très positive. Ça foisonne de plus en plus. Malheureusement avec mon métier de « moine copiste » comme j’aime à le dire, c’est-à-dire une vie plutôt derrière ma table, je ne profite pas assez de tout ce que notre ville nous propose.

« Il y a toujours plein d’influences dont on n’est pas forcément conscient, des événements de nos vies privées qui vont rejaillir dans l’œuvre. »

 

 

FLORE : Tu nous parlais tout à l’heure de là d'où viennent tes inspirations. Il y a un aspect qui est très cher à tes yeux : travailler avec d’autres auteurs. Peut-être que nous pouvons parler de l’un d’entre eux, Emmanuel Michalak, avec qui tu as une connexion un peu spéciale ?

 

HUB : Oui, bien sûr ! Emmanuel Michalak est un petit peu mon alter ego, mon frère. Je l’ai rencontré quand je suis revenu à Lyon. Ça a tout de suite collé, j’ai tout de suite su qu’il fallait qu’on essaye de travailler ensemble. Il m’a rejoint sur Okko au niveau du découpage. Ensuite on a travaillé ensemble sur Askal, une série en six albums, que j’ai co-scénarisé. Il m’aide encore aujourd’hui sur le découpage du Serpent et la Lance. Son regard affûté et aiguisé, son réconfort et son professionnalisme m’aident beaucoup. On s’entend parfaitement, c’est quelque chose de très rare.

 

BENJAMIN : Quand on regarde ton œuvre dans son ensemble, on voit des thèmes récurrents apparaître. Il y a la notion de l’amitié qui est au centre de tes personnages qui fonctionnent toujours en groupe. Est-ce que ça représente ta façon de travailler ?

 

HUB : Je n’avais pas pensé à ça mais c’est vrai que j’accepte totalement cette analyse. Lorsqu’on conçoit une histoire il y a toute une partie qu’on maîtrise et l’autre qui est complètement inconsciente, il peut même y avoir des accidents. Il faut les accepter et jouer avec. De mon côté, il y a beaucoup de choses que je ne peux pas décrypter. Je pense qu’aucune œuvre ne peut être détricotée par son auteur. Il y a toujours plein d’influences dont on n’est pas forcément conscient, des événements de nos vies privées qui vont rejaillir dans l’œuvre. Donc effectivement, cette histoire d’amitié est possible.

Écoutez notre podcast avec HUB

Écoutez notre podcast avec HUB

Vous pouvez retrouver l'intégrale de cette rencontre en podcast aux côtés de Flore Piacentino, coordinatrice général du Lyon BD Festival, de Benjamin Laurent, fondateur du Studio Parolox, d'un(e) libraire de Lyon et d'un auteur de bande dessinée. Des Gones en Strip est un podcast en trois parties : la chronique du “portrait traboule” lance tout d’abord l’enquête sur la vie quotidienne de l’artiste, en lien avec son attachement à la ville... Elle nous conduit jusqu’à la découverte d’un extrait audio de sa bande dessinée, dans une version “lecture BLYND” portée par des comédien·ne·s et une ambiance sonore 3D. Pour en savoir plus sur l’œuvre écoutée, l’émission passe enfin la parole à un·e libraire lyonnais·e et à sa chronique “actu praline”, permettant d’échanger avec l’auteur·trice sur son travail de création.