Partons en voyage, dans l’espace et le temps. Je vous emmène cette fois en Mandchourie, dans les années 30. Pour un manga qui s’adresse directement aux fans de la série télé Breaking Bad. Bon évidemment, la drogue c’est mal. N’en prenez pas. Ceci dit, Manchouria Opium Squad tome 2 de Shikako et Tsukasa Monma, chez Véga-Dupuis, ne devrait pas vous donner envie de vous y mettre. Présentation de l’intrigue !

En 1931, l’armée impériale japonaise envahie la Chine et plus particulièrement, la province de Mandchourie. Un état fantoche est créé, le Mandchoukouo. Un Etat satellite du Japon, dirigé de fait par l’armée nippone. Mais surtout, un narco-Etat au sein duquel le trafic d’opium était très important. Je m’arrête ici pour la leçon d’Histoire et de Géopolitique. Vous avez les principaux acteurs en place. 

Manchouria Opium Squad, c’est l’histoire d’Isamu Higata, un jeune paysan de l’armée japonaise, installé en Mandchoukouo avec sa mère, son petit frère et sa petite sœur. Face à la misère, Isamu va devoir prendre une décision : vendre sa famille ou se lancer dans la culture du pavot et dans l’extraction de l’opium. Il choisit cette seconde option. Et c’est avec talent qu’il produit un opium d’une très grande pureté. Il attire ainsi l’attention d’une jeune cheffe de la mafia chinoise locale qui va tenter de s’émanciper grâce à la production d’Isamu.

Ce deuxième tome voit le duo Isamu/Lihua établir les bases de leur développement. Pour faire exister leur réseau, ils doivent d’abord trouver une terre capable de produire le pavot sans que l’armée japonaise ne pose de difficultés. Et ils doivent trouver les hommes et les femmes capables de les soutenir dans leur démarche.

Autant le dire, le premier tome de cette série était particulièrement intense. Notamment par le dessin. Shikako, le dessinateur, y développait un dessin à la limite du morbide. Il déformait son trait pour apporter une forme de grotesque malsaine à des représentations réalistes. Dit autrement, son dessin passait vite au très crade. Ce que le scénario de Tsukasa Monma appelait fortement. Les opiomanes y sont décrits comme de vrais zombies et les soldats du Kempetaï, l’armée japonaise, comme des bourreaux sadiques. Ce qu’ils furent largement au Mandchoukouo. La question, c’était donc de savoir si ce tome 2 serait plus respirant.

Et c’est le cas. Les deux auteurs ont manifestement voulu mettre une énorme pression sur le lecteur dès le premier recueil. Ce deuxième tankobon est moins violent. Il repose plus sur les manipulations sociales et politiques que sur la violence pure.
Elle n’est jamais très loin, cette violence. Un personnage de tueur psychopathe à la solde des triades, rode à travers les différents chapitres. Mais même lui n’a plus besoin de prouver sa violence. Sa présence suffit à faire trembler le lecteur qui sait déjà de quoi il est capable.

Mais surtout, de nouveaux personnages secondaires rejoignent le casting. Une gamine des rues vendeuse d’opium surdouée et un jeune mongol lettré viennent renforcer le réseau. Deux personnages qui permettent de rappeler qu’Isamu est profondément humain et qu’il est éloigné de la violence du monde des triades. Deux personnages qui permettent aussi d’explorer la société chinoise de cette époque et les différents enjeux politiques du Mandchoukouo.

Oui, mine de rien, on apprend des choses sur une région très rapidement vue dans les cours d’Histoire à l’école, quand on parle de la seconde guerre mondiale.

Et donc, comment évolue le dessin ? En assumant ce temps plus calme du récit, lui aussi. Shikako peut mettre en scène des environnements très différents, des personnages à qui il offre de vraies personnalités graphiques. 

Donc, si l’on résume : Manchuria Opium Squad tome 2 continue de tenir en haleine son lecteur ou sa lectrice en lui offrant une pause dans l’horreur, tout en nourrissant l’intrigue générale de personnages pertinents.
Tout laisse à penser qu’on a là une série bien construite, faite pour être aussi addictive que la drogue produite par ses personnages. 

L’avantage, c’est que l’addiction aux mangas n’est pas nocive pour la santé, elle. Alors lisez-en !

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BLYND s'associe à Yaneck Chareyre, journaliste et critique BD pour co-créer le podcast " Le Bruit des Bulles ".

L'idée est simple : chaque mois, il sélectionne trois manga et t'explique pourquoi il les a aimées.