Cette année une magnifique bande dessinée est sortie, elle retrace l’aventure de Nellie Bly à BlackWells aux éditions Glénat. Elle est écrite par Virginie Ollagnier et illustrée par Carole Maurel. Ce qui est surprenant c’est que la bande dessinée débute comme ça : une folle arrive dans un hôtel, se sent persécutée par à peu près tout le monde. Bien sûr c’est un peu plus compliqué que ça. Si on ne connaît pas l’histoire de Nellie Bly, on ne peut donc pas se douter de la tournure que le scénario va prendre. Plus on avance dans la bande dessinée plus celle-ci alterne entre instants biographiques et immersion à l’asile. C’est alors qu’on découvre l’incroyable reportage qui a fait de Nellie Bly une journaliste hors pair. L’univers graphique est à tomber. La dessinatrice confie avoir fait un long travail de recherche sur l’esthétisme (architecture, ambiances…) de l’époque et ça se voit. Les atrocités qui se cachent dans cet asile ne sont ni masquées ni minimisées ce qui permet de se sentir immergé(e) dans cette ambiance pesante. La cruauté qu’enduraient ses femmes est très bien illustrée.

Qui était Nellie BLY ?

Elizabeth Jane Cochrane dite Nellie Bly est une figure légendaire du journalisme, pionnière du reportage clandestin. Le futur d’Elizabeth devait être tout tracé et suivre le destin réservé aux jeunes femmes de son époque, autrement dit devenir gouvernante ou demoiselle de compagnie. Sauf qu'elle n'est pas trop friande du programme. En 1880, sa mère, ses frères et elle quittent leur campagne pour Pittsburg - Pennsylvanie. Les portes s’ouvrent à elle lorsqu’elle décide de réagir à une rubrique du Pittsburg Dispatch qu’elle trouve injuste et sexiste : un père se plaint de ne pas savoir quoi faire de ses filles. 

« Les filles sont aussi intelligentes et souvent meilleures élèves. Alors pourquoi ne bénéficient-elles pas des mêmes encouragements que les garçons ? »

 

 

Stylo en main, et bien décidée à en découdre, elle écrit au rédacteur en chef du journal et signe sa lettre par « L’orpheline. » (publiée dans l’édition du Pittsburg Dispatch du 26 janvier 1885) Un coup de maître(sse) puisque George Madden lui propose un deal : si elle écrit un article qui lui plaît, il lui offre un poste au sein de la rédaction. Pas manqué, elle lui propose un papier sur la famille, le divorce et les enfants. Conquis, George Madden l’engage sous le pseudonyme Nellie Bly. Pourquoi un pseudo et d’ailleurs pourquoi ce pseudo ? Déjà, parce qu’à cette époque pour une fille c’est mal vu d’écrire, encore plus sur des sujets un peu virulents. Un pseudonyme lui permet donc de la protéger, elle et sa famille. Ensuite, Nellie Bly est une référence à la chanson éponyme de Stephen Foster, très populaire à ce moment-là. Tout ça pour dire qu’elle est déjà badass, à peine vingt ans et elle bosse déjà dans une rédaction.

Son premier reportage est d’une grande qualité, c’est un succès et rapporte gros au journal. Il traite de la situation des ouvrières d’une fabrique de conserve. Autant vous dire que c’était pas folichon. Malheureusement, une année plus tard Nellie Bly quitte le journal. La raison ? On lui propose d’écrire désormais la rubrique féminine, et elle se refuse à écrire sur les robes, fleurs et autres sujets qui lui paraissent sans réel intérêt.  

 

Quelques économies en poche elle part au Mexique accompagnée de sa mère, écrit sur ce qui se passe là-bas : libertés bafouées, système judiciaire défaillant… Sauf que ce n'est pas très apprécié. Elle doit vite partir avant de risquer de se faire arrêter.

 

En 1887, Nellie Bly est engagée par le New York Word tenu par Joseph Pultazer. Il lui confie une mission : passer 10 jours à l’asile BlackWell, à New York, pour enquêter sur les conditions de vie de ses résidentes. Mission qu'elle accepte. Très vite elle se rend compte que toutes les internées ne sont pas folles, qu’il suffit parfois d’être pauvre pour se retrouver là-bas. Pire encore, que les conditions d’internement sont effroyables, que le personnel torture ces femmes, que les médecins les négligent complètement. 10 jours d’horreur, mais aussi de rencontres surprenantes. 10 jours qui ont permis de dénoncer et de rendre compte de ce qu’était BlackWell à l'époque. Cette enquête fait d'elle une des pionnière du journalisme d’investigation.

 

Après ça elle a fait le tour du monde, se retrouve à la tête d’une usine de métallurgie, la fait prospérer et révolutionne le système social : assurance-maladie, salaires convenables, accès à une bibliothèque… Bref. Quelqu’un de vraiment impressionnant. Puis elle va couvrir la première guerre mondiale, écrire sur les suffragettes et milite pour le droit de vote des femmes. Elle finit par mourir d’une pneumonie en 1922 alors qu’elle a 57 ans.

La lecture BLYND

La lecture BLYND

Nous avons reçu Virginie Ollagnier, scénariste de cette banade dessinée, dans nos studios dans le cadre de notre série de podcast "Des Gones en Strip." Chaque épisode est accompagné d'un extrait sonore de la bande dessinée mise à l'honneur. Découvrez quelques planches de "Nellie Bly - Dans l'antre de la folie" façon BLYND et une interview intimiste avec la scénariste.