Si vous êtes nés dans les années 80, comme moi, vous avez peut-être fait du judo quand vous étiez enfant. Le Club Dorothé, les dessins animés japonais, ça donnait envie de partir sur les tatamis. Et avant lui, Récré A2, déjà animé par Dorothée, nous avait fait découvrir Judo Boy, de son vrai nom Kurenai Sanshiro ! 

Si vous êtes un lecteur de manga né après les années 80, vous avez peut-être déjà lu et apprécié la série Yawara de Naoki Urazawa.

En tous cas, avec All free tome 1, de Terubo Aono chez Mangetsu, nous avons enfin un manga de sport qui met en avant toute la technicité de cet art martial japonais. Vous voulez du combat âpre et disputé ? Des prises de judo en mode tempête ? Vous êtes au bon endroit !

Jun, collégienne, est la petite-fille de Kyuzo Mifune, un maître judoka qui cherchait à prouver qu’il était possible pour des petits gabarits de vaincre des combattants poids lourds. L’oncle de Jun, Hayaki Mifune, était le plus brillant représentant de cette école, mais les blessures l’ont vu quitter les tatamis. Aujourd’hui, Jun n’a qu’un seul objectif : redonner envie à son oncle de revenir à sa passion pour l’aider à incarner la voie de leur aïeul.

 

Attention, ne faites pas d'erreur. Ce n’est pas parce que l’on a une adolescente surdouée qu’All Free est un shonen. C’est un seinen. Terubo Aono, son auteur, est d’ailleurs lui-même ceinture noire. Son récit est un vrai hommage à ce sport qu’il pratique assidûment. Et ça se sent. 

L’auteur transmet de nombreuses considérations techniques et sportives. Ce sont les enjeux des combats de judo qu’il veut faire passer au lecteur. Comme si nous assistions à des matchs pendant une compétition, avec des commentateurs éclairés. Sauf qu’ici, c’est depuis le coeur de l’affrontement que l’on reçoit les commentaires.

All free, c’est un manga très technique donc. Trop ? Non, pas du tout. Pourquoi ? Pour deux raisons.

La première, c’est le focus humain qui est proposé par l’auteur. Ce premier tome est avant tout une histoire sur le dépassement de l’échec, sur la fidélité à la famille. Il y a donc des messages qui toucheront tout un chacun.

C’est surtout graphiquement que le mangaka parvient à dépasser la dimension pédagogique. J’ai rarement vu un manga capable de transmettre toute l’intensité d’une prise de garde. Vous pensiez que le fait d’accrocher le pan du kimono était un geste banal ? Aono va vous démontrer le contraire. La narration étendue du manga permet de saisir tout l’enjeu d’un tel moment. Et puis il y a les prises de judo en elles-mêmes. L’auteur parvient à les rendre tout à fait impressionnantes ! Le dessin du manga n’est pas animé ? On penserait le contraire. Les codes de la bande dessinée japonaise parviennent à merveille à mettre en scène la puissance des corps qui chutent. 

 

Le trait de Terubo Aono n’est pas parfait. C’est justement cette imperfection qui le rend encore plus intéressant. Le coup de crayon n’est ni léché ni précis. Au contraire, on devine les différents traits qui se sont assemblés pour constituer le dessin final. Ça ajoute de la matière, de la densité. All free raconte des corps et des esprits qui souffrent. Il ne fallait pas proposer un dessin lisse, cela aurait saboté le message du scénario. C’est quand l’artiste envoie une prise de judo que son dessin se fait le plus agressif. Les traits sont brisés, les hachures envahissent l’espace. Oui, il y a de la souplesse dans le judo, mais aussi de la force. Le mangaka se montre particulièrement agile pour marier toutes ces dimensions.

Dernier avantage du manga All free, c’est qu’il sera court. Deux tomes en tout, pour une publication française qui sera donc complète très rapidement. C’est la garantie d’avoir un propos efficace, qui ne se perdra pas en chemin. Venez faire une plongée, une chute oserais-je dire, express dans le monde du judo. En tant que français, nous sommes parmi les nations les mieux à même de capter les enjeux de l’histoire proposée par Terubo Aono.